Des armes pour la résistance kurde !
Depuis près de trois semaines, les combattants des Unités de défense
du peuple – qui ne sont pas exclusivement kurdes – (YPG) et des femmes
(YPJ) résistent à l’offensive militaire des djihadistes de l’État
islamique (EI), avec des effectifs et un armement inférieurs, ils
défendent la ville de Kobané avec un courage et une détermination qui
forcent le respect.
Malheureusement, ces soutiens et renforts sont loin d’être
suffisants. L’assaut des djihadistes sur Kobané bénéficie en effet du
fait que la Turquie a verrouillé la frontière et déployé sa police et
son armée pour bloquer les renforts, les acheminements en armes et en
ressources humanitaires. Aujourd’hui, les djihadistes sont dans la
ville. C’est là le résultat tragique de la montée en puissance de
l’entité appelée EI, elle-même conséquence de l’effondrement du régime
irakien, provoqué par des années de discrimination des sunnites par un
gouvernement soutenu sans faille par Obama, des armes déversées
aveuglément en Syrie notamment par les états-Unis, mais aussi du soutien
apporté par les pétromonarchies du golfe Persique et la Turquie aux
divers mouvements armés de l’islam politique en Syrie comme en Irak.
Sans compter le million de dollars que la vente du pétrole des puits
qu’il contrôle permet à l’EI d’encaisser chaque jour.
La Turquie, loin de venir en aide aux populations menacées par
l’avancée de l’EI, fait tout pour affaiblir ou liquider la résistance
kurde, qui à ses yeux risquerait de renforcer le poids des Kurdes dans
la région, des Kurdes à qui, chez elle, elle a toujours refusé
l’autonomie. Après s’être donné un cadre légal pour une intervention
terrestre visant « tous les groupes terroristes » présents en Syrie et
en Irak, elle conditionne désormais son entrée dans la coalition
internationale à la création d’une zone tampon sur le côté syrien de la
frontière, placée sous son autorité, prétexte à une occupation de fait
des trois cantons qui forment le Rojava. En soutenant cette proposition
que les Kurdes récusent, Hollande choisit, par pur opportunisme
géopolitique, la pire des solutions pour la résistance kurde.
En effet, la coalition, qui prétend travailler à éliminer les
djihadistes, dirigée par les États-Unis et à laquelle l’État français
s’est rallié, ne peut ignorer que, pour vaincre l’EI, des frappes de
drones et de missiles ne peuvent suffire, qu’il faut absolument financer
et armer ceux qui se battent sur le terrain. À savoir, en l’occurrence,
les Kurdes. En Syrie comme en Irak, où au mois d’août dernier ils sont
intervenus pour sauver des milliers de Yézidis réfugiés dans les monts
de Sinjar, ce sont les mouvements révolutionnaires kurdes qui sont en
première ligne. Mais le problème, c’est qu’ils le font à leur manière :
loin de faire la moindre confiance aux États et aux régimes en place,
ils poussent et aident les populations de cette vaste région, kurdes et
autres, à se battre, à s’autodéfendre, à s’armer militairement et
politiquement, à compter d’abord sur leurs capacités de mobilisation
pour protéger leur territoire.
Cette invitation à l’autodétermination et à l’organisation autonome
contient un redoutable parfum de liberté, une menace de sécession et
d’insubordination, de rupture dans les relations de pouvoir établies
(clientélisme, corruption, patriarcat, obéissance à des systèmes de
croyances et de transcendances extra-sociales). Et c’est de cela que la
coalition arabo-occidentale ne veut pas.
Pour nous,
au contraire, cette « menace »-là, c’est notre espoir. L’espoir de voir
enfin sortir du chaos moyen-oriental une force susceptible de combattre à
la fois l’obscurantisme religieux et l’option militaire qui, depuis des
décennies, sont le lot des populations de la région. L’espoir de voir
renaître des mouvements de résistance aux pouvoirs établis, porteurs
d’émancipation. Déjà, l’offensive de l’EI à Kobané a provoqué une
formidable mobilisation des Kurdes en Turquie (violemment réprimée : 22
morts annoncés) et dans la diaspora : manifestations dans des villes
d’Europe, rassemblements de milliers de personnes sur la frontière,
infiltration de plusieurs centaines de volontaires pour défendre la
ville. De notre côté, nous pouvons et nous devons nous mobiliser pour
apporter un soutien clair à ces mouvements de résistance, en relayant
leurs revendications et en aidant à l’expression des forces
d’émancipation dont ils sont porteurs.
Anarchistes solidaires de la résistance du Rojava/Kurdistan