Israël-Palestine :
Un modèle de domination qui nous menace toutes et tous
Dans un contexte mondial favorable aux soudards, Netanyahou a
plus que jamais les coudées franches pour mener à bien sa politique
extrémiste. Donald Trump est son plus fidèle soutien avec un projet
« d’accord du siècle » qui dénierai la légitimité de toutes les
revendications palestiniennes avec la bénédiction de l’Arabie saoudite.
Vous seriez Nétanyahou, vous changeriez ? Non, bien sûr, puisque,
quoique fasse Israël, cet État voyou n’est jamais puni. Ses méthodes de
mépris absolu pour ce qu’on appelle le « droit international » ou « les
droits de l’homme » ont déteint. Trump, Mohammed ben Salmane, Bolsonaro,
Al-Sissi, Orban, Duterte, Modi… Netanyahou est loin d’être isolé.
C’est Trump qui, dès le début de son mandat, a fait bouger les
lignes. Le vice-président états-unien, Mike Pence, est un « chrétien
sioniste ». Ces évangélistes intégristes et antisémites ont joué un rôle
majeur dans le financement de la colonisation. Leur programme est d’une
simplicité « biblique » : faire revenir tous les Juifs en Terre Sainte,
chasser le « mal », Armaggeddon (c’est-à-dire les Arabes), pour hâter
le retour du Christ. Puis ces Juifs devront se convertir à la vraie foi
sous peine de disparition.
En installant l’ambassade états-unienne à Jérusalem, Trump espérait
que son initiative ferait tache d’huile. Cela n’a pas marché. Même
Bolsonaro s’est rendu compte au dernier moment qu’il risquait de mettre
en péril les exportations brésiliennes.
Trump, dans la foulée, a reconnu l’annexion du Golan. Ce territoire
syrien a été conquis en 1967 alors que les travaillistes étaient au
pouvoir, puis annexé par un vote quasi unanime. Trump compte à présent
proposer le « deal du siècle » : l’annexion de toutes les colonies, la
disparition du statut de réfugié, un pourboire pour accepter la
capitulation et un déluge de feu en cas de refus.
Le camp pro-impérialiste du monde arabe, représenté par l’Arabie
saoudite, les autres monarchies du golfe, l’Égypte et le Maroc, n’a plus
aucune pudeur à afficher sa complicité avec Israël. MBS, le prince
héritier et vice-Premier ministre saoudien ne se contente plus de
découper ses opposants à la scie ou de mener une politique génocidaire
au Yémen. Il demande ouvertement aux Palestiniennes et Palestiniens de
capituler et cherche à entraîner tout le monde sunnite dans sa croisade
contre l’Iran. Autre soudard du monde arabe, le dictateur égyptien
Al-Sissi participe efficacement au blocus de Gaza.
La fascisation d’Israël
Il y a les alliés mais aussi les complices. Le secrétaire général de
l’ONU, Antonio Guterres, a enterré le rapport de Richard Falk et
Virginia Tilley qui concluait qu’Israël est un État d’apartheid. La
diplomatie française a pondu un seul communiqué dans la période récente
en reprochant au Hamas d’envoyer des roquettes sur la population
d’Israël ! L’Union européenne se tait quand le gouvernement israélien
annonce qu’il va revendre aux enchères du matériel payé par l’Europe,
donné aux Palestiniens et confisqué par Israël. En Allemagne le
Bundestag a voté à une écrasante majorité un texte criminalisant la
campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions en l’assimilant à de
l’antisémitisme.
«
En Israël pousse un racisme proche du nazisme à ses débuts » [1] écrit l’historien israélien Zeev Sternhell, qui n’a pourtant pas rompu avec le sionisme.
Il ne faut pas s’étonner d’une proximité très ancienne. Depuis 1977,
avec de courtes interruptions, c’est le courant « révisionniste » du
sionisme, fondé il y a un siècle par Jabotinsky, qui est au pouvoir.
Jabotinsky a été un soutien du pogromiste Petlioura pendant la
Révolution russe puis un admirateur de Mussolini. Ses successeurs, comme
Yitzhak Shamir ont fait des offres de collaboration avec les nazis,
dans le cadre de la lutte contre les Britanniques en Palestine, au
moment de l’extermination des Juifs en Europe [2].
Aujourd’hui, les prédicateurs antisémites états-uniens Robert
Jeffress et John Hagee, sont invités à Jérusalem pour inaugurer la
nouvelle ambassade. Le ban et l’arrière-ban de l’extrême droite
européenne, y compris le vice-chancelier d’Autriche jusqu’en mai
dernier, Heinz-Christian Strache, issu de la mouvance néo-nazie,
multiplient les visites en Israël. Bolsonaro vient dans le pays
expliquer que les nazis étaient de gauche et qu’il faut pardonner
l’holocauste. Nétanyahou appuie fortement Orban qui réhabilite en
Hongrie le régime de l’amiral Horthy qui a contribué à l’extermination
des Juifs hongrois.
Sur le plan intérieur, dans la société juive israélienne,
l’allégeance est devenue obligatoire. Les partisans du boycott sont
criminalisés, les associations de défense des droits de l’homme sont
sommées de dévoiler leurs financements. Contre les Palestiniennes et
Palestiniens, il n’y a plus aucune retenue. Les auteurs – soldats ou
colons – d’assassinats de civils ne sont pas poursuivis. Israël est
devenu le laboratoire mondial de l’enfermement et de la surveillance des
populations jugées dangereuses. Ce pays dont l’économie est celle d’une
start-up technologique, est devenu le leader mondial de ces
technologies de pointe et des armes les plus perfectionnées, avec comme
argument le fait qu’elles ont été expérimentées contre la Palestine. Les
appareils répressifs du monde entier utilisent son matériel et
s’inspirent de son efficacité.
Les élections israéliennes d’avril 2019 ont montré que les barrières
morales se sont écroulées. L’électorat approuve de façon nette
l’occupation, l’apartheid et le suprémacisme. Le principal opposant de
Nétanyahou, le général Ganz, auteur de crimes de guerre à Gaza en 2014, a
promis de ramener ce territoire à l’âge de pierre. Quant à la « gauche
sioniste », compromise dans tous les crimes contre les Palestiniens,
elle n’existe plus.
La Palestine plie mais ne rompt pas
Les fascistes sont divisés. Entre les religieux qui veulent des tests
ADN pour vérifier la judéité des immigrantes et immigrants, et
Lieberman qui veut imposer le service militaire à ces religieux, il n’y a
plus d’accord possible et on revotera à l’automne prochain.
La propagande israélienne essaie de faire taire toute critique en
instrumentalisant l’antisémitisme et le génocide nazi. Cette propagande
fonctionne de moins en moins aux Etats-Unis, où la critique d’Israël se
développe très fortement, y compris dans la communauté juive.
Les moments que vivent les Palestiniens sont terribles. Trump essaie
d’asphyxier l’UNRWA [3]. La malnutrition s’ajoute aux pénuries d’eau et
d’électricité. Les richissimes pays arabes ne font rien pour soulager
la misère qui s’installe. Les deux gouvernements palestiniens rivaux ont
un comportement assez honteux, réprimant toute opposition et
privilégiant des intérêts partisans de partis sur toute autre
considération.
Pourtant, les Palestiniens et Palestiniennes continuent de faire
société et de croire en l’avenir en éduquant massivement leurs enfants.
Ils refusent d’être des assistés et s’acharnent à essayer de produire.
Le soutien international et le BDS n’ont pas réussi à empêcher cette
merde à paillettes qu’est le concours de l’Eurovision qui a eu lieu à
Tel-Aviv. Mais le BDS aura quand même abouti à ce que cette tentative de
blanchir l’apartheid échoue. Le nombre de visiteurs a été très
inférieur à ce qui se passe habituellement et de très nombreux artistes
dans le monde entier se sont ralliés au boycott culturel.
Quelques jours avant, Nétanyahou avait fait bombarder Gaza. Le fameux
« dôme de fer » offert à Israël par le protecteur états-unien s’est
avéré moins efficace que prévu et les roquettes palestiniennes ont
infligé des pertes non négligeables à l’occupant.
Il dépend de nous que les Palestiniennes Palestiniens tiennent, le
temps que le rapport de force évolue. Résistance non violente,
résistance armée, la résistance est plus qu’un droit, c’est un devoir.
Pierre Stambul (ami d’AL)
[1] Tribune de Zeev Sternhell dans
Le Monde du 18 février 2018.
[2] Pour plus de détails voir le livre de Pierre Stambul,
La Nakba ne sera jamais légitime, Acratie, 2018.
[3] Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.
Alternative Libertaire n°296, juillet-août 2019